Au départ, il y a l’ambition de Mehdi Haddab, artificier franco-algérien de l’oud électrique, de croiser la note et l’inspiration avec Cheikh Hamdi Benani, maître du malouf annabi, grandi dans une famille riche d’artistes (un père peintre ; un oncle et un arrière grand-père, pointures du malouf), digne humaniste de la cité de Saint-Augustin, El Ghriba et Sidi Bou Merouane. Affaire de curiosité, d’intuition. Une rencontre suscitée par David Queinnec, alors directeur l’Institut français d’Annaba, favorise le projet.
Les deux musiciens sont vite sur la même longueur d’onde. « Ca a tout de suite matché entre nous » en convient le fondateur de Speed Caravan. Lui restait à choisir les pièces pouvant susciter une relecture audacieuse d’un legs. Cette ambition n’est pas pour déplaire au cheikh, féru d’impro et cinéphile fan d’Eddie Constantine. Au long de sa carrière n’a t’il pas endossé le costume de rénovateur et défrisé certains « puristes » ? Un choix est fait, mosaïque de morceaux classiques plutôt instrumentaux, de pièces courtes, de chansons, et d’une longue suite choisie pour sa temporalité. L’enjeu ? Trouver des propositions, des alliages sonores inédits, relire un répertoire patiné, en quelque sorte lui conférer une nouvelle attractivité. Un travail de reformulation auquel « L’Ange blanc du malouf » (en référence à son costume et son violon blancs) donne son aval avant qu’une tournée en Algérie n’éprouve la pertinence du tout.
Un terrible évènement a suivi ces enregistrements. Hamdi Benani, cet ambassadeur jovial et humble du Malouf qu’il avait fait voyager à travers la planète s’en est allé à 77 ans, victime de la Covid. Une disparition qui fait de ce disque un album culte rappelant la jeunesse d’esprit d’un musicien toujours à l’écoute des autres. Un disque qui fait écho à ses propos quand d’aucuns, jadis, avaient réprouvé ses audaces orchestrales : « Ils croyaient que je touchais aux noubas, ce qui n’est pas le cas dans la mesure où je m’inscris dans le classique qui obéit aux règles qu’on n’a pas le droit de toucher ». Ajoutant : « Je leur ai dit que vous trompez, Messieurs, car un jour, vous serez d’accord avec moi !». Comme si la vie, lui avait donné raison.