Prélude aux expérimentations de Negarit, Tèfèri s’est livré à de réelles recherches musicologiques dans le grand Sud, si peu exploré alors qu’il constitue un gisement d’exception 5. Ce sont ses particularismes miraculés qui paraissent aujourd’hui les plus porteurs d’originalité, de rareté, d’inouï. Ce n’est que justice – et merveilles sonores.
Tèfèri Assèfa, un cas d’espèce au sein de la scène éthiopienne jazz plutôt plan-plan (trop de “smooth jazz” nuit), a choisi de s’appuyer sur ces quasi-vestiges pour initier toutes sortes d’expérimentations modernistes et revitaliser une scène musicale en indéniable déclin depuis près d’un demi-siècle.
Contrairement à la chanson pop éthiopienne qui privilégie toujours les paroles à l’innovation vocale ou instrumentale, le jazz éthiopien connaît depuis une vingtaine d’années un regain d’intérêt de la part d’un public grandissant, singulièrement jeune. Ces nouvelles générations trouvent dans les musiques instrumentales, épicées à l’improvisation, un réjouissant compromis entre l’ouverture aux mondes et la pop éthiopienne rasoir. Plus ou peu de paroles contribue à gommer différences et tabous linguistiques. Goût et public pan-éthiopiens, loin des hiérarchies ethniques d’antan, et alors même que les violences inter-ethniques sont en pleine recrudescence. Il n’est pas sans paradoxe que le pacifique gentleman Tèfèri Assèfa ait choisi Nègarit comme emblème de son groupe. Insigne traditionnel de la royauté et symbole du pouvoir, nègarit est le nom du tambour qui autrefois convoquait la mobilisation générale.
Ce sont des braves tels que Tèfèri Assèfa et son Negarit band qui portent haut, aujourd’hui, revendication et appartenance multiculturelles, pan-éthiopiennes. Il faut prêter grande attention à chacun des talents individuels de ce combo. D’autres expérimentateurs s’activent à ce défrichage exaltant, comme Endris Hassen, Haddis “Haddinqo” Alèmayèhu, Sammy Yirga, etc.