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Yoshikazu Iwamoto: l'Esprit du Silence

Yoshikazu Iwamoto: l'Esprit du Silence


Publié le 24-01-2021

Quand j’ai fait la connaissance de Yoshikazu Iwamoto, natif de Tokyo, il était artiste résident à l’Université de York, en Grande Bretagne. J’avais le projet, sur les conseils de mon ami Henri Lecomte, de produire un enregistrement de ce maître du shakuhashi, consacré au répertoire honkyoku (musique de méditation). Yoshikazu était aussi un interprète reconnu de pièces contemporaines, notamment avec le fameux flûtiste français Pierre-Yves Artaud.
 
Le shakuhashi est une flûte en bambou à 5 tours, dont on retrouve les origines en Chine, avec 6 trous. Cette apparente simplification est bien conforme au sens de l’épure de la culture japonaise. Il était pratiqué par des moines errants, des anciens samourai sans maîtres, qui l’utilisaient en collectant l’aumône. La tradition a fait du shakuhashi un instrument du zen. L’instrument devint un outil de recherche philosophique et spirituelle : « produire des sons est d’importance secondaire » a ainsi pu déclaré Watazumi Doso Roshi, qui a pourtant enregistré d’admirables disques.
 
Grâce à Yoshikazu nous avons réalisé 3 albums !
" L’Esprit du Silence " (1994), " L’Esprit du Vent " (1995), " L’Esprit du Crépuscule " (1999)
 
Notre rencontre a eu lieu en studio lors du premier enregistrement : intense concentration, enjeu important pour l’artiste installé sur un tapis face aux micros et à la photo de son fils. Nous n’avons réellement fait connaissance que durant les soirées qui suivirent.
Souhaitant goûter et comparer Bordeaux et Bourgogne, Yoshikazu m’apprit ensuite (en anglais) que l’oeuvre de sa vie serait la lecture en français de la Recherche du Temps Perdu, qu’il venait d’entreprendre . Puis il me montra un carnet consacré à la recherche du nombre d’or : y figurait des croquis des tympans et du narthex de la basilique de Vézelay.
 
Nous avons par la suite entrepris de réaliser le livret du premier volume « L’Esprit du Silence ».
Pour le visuel de l’album, Henri Lecomte et moi-même avions envisagé, avec l’accord de M. Iwamoto, d’y faire figurer une reproduction d’un tableau de Robert Ryman, fameux peintre américain, connu pour son travail sur les monochromes notamment blancs.
Nous n’avions pas son contact. Nous nous sommes souvenus que notre copain Jackie Berroyer travaillait souvent avec Claude Berri, cinéaste et producteur bien connu pour sa collection d’art moderne. Nous l’avons donc appelé et, coïncidence, il travaillait à un rewriting dans les bureaux/galerie de Claude Berri, rue des Saints Pères. Autre heureux hasard, sa table de travail était sous un tableau de Ryman !
 
Il nous a alors été simple de contacter l’artiste, qui nous autorisa, généreusement et gracieusement, à utiliser une reproduction de son œuvre « sans titre, huile sur toile 179,7 x 179,7 cm »
Piquant : à réception du disque au visuel…blanc, l’un des distributeurs m’appela pour me signaler un problème d’impression.

Quelques années plus tard, en 2007, une exposition a été consacrée par le Musée Pompidou (Beaubourg) à Samuel Beckett, l’un de mes auteur favoris. Y figurait un tableau de Robert Ryman. Pour moi une certaine boucle était ainsi bouclée. Recherche discrètement sophistiquée du minimalisme, quête du beau sans effort apparent.
Écrit par Gilles Fruchaux