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Awakening - Une conversation entre Michel Godard et Frank Scheffer

Awakening - Une conversation entre Michel Godard et Frank Scheffer


Publié le 14-03-2019

Une conversation entre Michel Godard et Frank Scheffer (cinéaste néerlandais)


Michel Godard
Cher Frank, après notre concert à Amsterdam, tu as fait de très beaux compliments sur la musique qui m’ont beaucoup encouragé. Tu veux bien revenir sur ce moment ?

Frank Scheffer
Quand je l’ai écoutée pour la première fois, puis à nouveau sur l’enregistrement, j’ai senti par moment que la musique était comme dans un cocon. L’image que je vois est Hieronymus Bosch : “Le jardin des délices”, où l’on voit ces deux personnes dans un cocon, un sentiment de paix et de beauté.
Nous ne sommes plus reliés à aucune culture existante, mais nous créons une nouvelle entité.
Dans ce cas 1+1=3 ! C’est un monde à lui seul. Je sens que cela est très important aujourd’hui. Dans la tradition musicale occidentale, l’idée de renouveau est arrivée, je crois, à son terme.
Ce que l’on voit maintenant n’est plus une ligne verticale mais horizontale qui intègre les autres parties de la planète. Selon moi, la juxtaposition de deux cultures est la nouvelle avant-garde. Je l’ai ressenti très fort quand je t’ai écouté avec Alim pour la première fois ; le fort sentiment que “voilà la vraie avant garde du moment ”. Il est évident que nous sommes en train de détruire notre planète, la seule façon de stopper cela, c’est de devenir un en tant que citoyen du village planétaire. La musique nous montre la voie.
Votre réunion avec Alim est pleine de sens car elle est en dehors de tout contexte préétabli. C’est de la beauté pure, c’est divin, voilà l’essence de l’art.

Frank Scheffer
La voix d’Alim atteint une autre dimension, comme « parler à Dieu », comment perçois-tu ton instrument et ton jeu dans ce contexte ?

Michel Godard
J’ai senti, très fort, qu’une forme d’énergie puissante passe à travers Alim. Afin de rendre la rencontre possible, j’ai laissé derrière moi toutes formes de peurs (est-ce que je comprends ce qui se joue, cela fait-il du sens, est-ce bien ou mal, etc...) et fais confiance à ma voix (mon serpent dans ce cas). Pendant les répétitions, j’ai, à un moment, essayer le tuba. J’ai immédiatement compris dans le regard d’Alim : s’il te plait, reviens au serpent. Le serpent, depuis la fin du XVI° siècle était l’instrument, à l’unisson avec les voix, qui rendait possible la connexion entre terre et ciel dans les églises Françaises. Mon but est de renouer avec ce lien sacré de l’instrument, jouer avec Alim va tout à fait dans cette direction. Je sens que la musique est là.

Frank Scheffer
Peux-tu te retrouver dans la voix d’Alim ?

Michel Godard
Bien sûr, je ne connais pas tous les codes de la musique d’Alim, je viens de la musique classique Européenne et du jazz. Mais, si l’on oublie toutes les frontières artificiellement construites entre musiques et cultures, alors on peut espérer devenir un. Avec un grand respect de chacun, sans contrôle du mental, l’âme grande ouverte, on peut arriver à une profonde compréhension. “Confiance” est un mot clef. Alors, la musique peut vraiment devenir utile.

Frank Scheffer
Dans mon film « Voyage to Cythera » Luciano Berio déclare : “Aujourd’hui, l’on dit que toutes les musiques sont identiques. Je ne le crois pas, parce que la musique a des fonctions”. La musique de divertissement est belle, parfait, mais si vous voulez toucher l’esprit de l’auditeur, c’est autre chose. Pour moi, cet élément de la musique est connecté avec nous comme l’univers. La musique peut nous transporter vers l’univers extérieur, mais aussi nous amener à notre immense univers intérieur, et lui permettre de s’ouvrir.
Voilà ce que j’ai ressenti lorsque je vous ai entendu la première fois. Vous avez créé une nouvelle entité, encore plus forte, formant l’esprit, ce que je trouve plein d’espoir. C’est une musique d’espoir pour le futur !
Écrit par Frank Scheffer (cinéaste néerlandais)