En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies.   En savoir plus Fermer

Ethiopiques 23

Ethiopiques

L’histoire d’Orchestra Ethiopia (1963-1975) est singulière et passionnante à plus d’un titre : Alors que la musique moderne atteint des sommets d’excellence et de popularité, c’est à ce moment même que la musique traditionnelle, à travers l’improbable entreprise d’Orchestra Ethiopia, retrouve une légitimité que l’air du temps tendait à lui dénier. Entre coup d’État (décembre 1960) et révolution (1974), l’Éthiopie conjugue sans s’en rendre compte fin de règne et “âge d’or” de sa musique. Les grands orchestres de musique moderne, on le sait, étaient tous sans exception sous le contrôle de l’Empereur Haylè-Sellassié. Au contraire, l’initiative d’Orchestra Ethiopia revient à la clairvoyance et à l’enthousiasme d’étrangers momentanément installés en Éthiopie : tout d’abord le musicien, compositeur et musicologue égyptien Halim El-Dabh*, ensuite relayé par les Peace Corps Volunteers américains John Coe et Charles Sutton. Ce n’est qu’en 1966 que l’Orchestra trouvera son mentor définitif et éthiopien en la personne de Tesfaye Lemma. En se proposant de renouveler la mise en valeur du patrimoine traditionnel éthiopien, Orchestra Ethiopia marchait de fait sur les plates-bandes du Théâtre Haylè-Sellassié Ier et surtout de l’Agher Feqer Mahber – le Théâtre Patriotique. A n’en pas douter, cette concurrence était perçue comme dangereuse par les institutions officielles qui avaient en charge la défense et l’illustration de l’héritage traditionnel. Polémiques, vexations et attaques xénophobes n’ont d’ailleurs pas manqué d’accompagner l’irrésistible ascension de l’Orchestra. Ces consternantes attaques indiquent assez de quelles passions contradictoires ce groupe, indépendant malgré lui, était l’objet. Cela est d’autant plus attristant qu’Orchestra Ethiopia était autre chose et plus qu’un ensemble folklorique, contribuant notamment à un important travail de collectage, en particulier dans les provinces méridionales, si riches et si peu explorées musicalement jusque-là – parce que généralement méprisées. Bien que Tesfaye Lemma ait publié de nombreux disques avec son ensemble, nous avons choisi de commencer cette redécouverte essentiellement avec des inédits (à cinq exceptions près : 3-11-16-18-22). Tous témoignent autant de l’ouverture d’esprit que de la créativité qui inspiraient les animateurs comme les artistes d’Orchestra Ethiopia. Il reste encore de nombreux documents à publier ou à republier. Ce que l’on appelle tradition n’est en rien un corpus figé de toute éternité. Ce n’est que le dernier état, le dernier reflet en date – de mémoire d’homme – d’une culture en mouvement qui n’a jamais cessé de faire évoluer ou d’engloutir de précédents états de cette culture. L’expérience Orchestra Ethiopia et ses aléas illustrent parfaitement ce mouvement. Francis Falceto LIVRET 32 PAGES + TEXTE BONUS EN PDF

Pistes