Minoré Manés
Histoires de marins et de taulards, d’amours éplorées et de rêves au haschisch, d’œillades canailles et d’exils sans retours hantent le rébètiko, musique protéiforme apparue au début du siècle dernier dans les cafés souvent mal famés des ports de Grèce et de Turquie. A ce répertoire fascinant, à mi-chemin entre la chanson sentimentale, la protestation sociale et la poésie orientale, Maria Simoglou, chanteuse grecque établie à Marseille et membre du groupe Oneira, a emprunté treize titres qu’elle chérit particulièrement. Epaulée par des musiciens de la même génération qu’elle, Stratis Pasaradellis à la lyra, au lafta et au saz, et Periklis Papapetropoulos au lafta et au saz, Harris Lambrakis à la flûte ney, Stephanos Dorbarakis à la cithare kanun et Kostas Meretakis aux percussions, elle s’est attachée à recréer ces airs populaires dans des arrangements nouveaux, puisant dans les sonorités acoustiques des instruments traditionnels les accents d’intemporalité qui parent au mieux cette musique vagabonde, irréductible aux cadres historiques (le rébètiko n’a jamais vraiment cessé d’être joué et chanté) et géographiques (les ports mourant et renaissant partout sur les rivages orientaux de la Méditerranée). C’est tout un monde que ce disque réveille avec beaucoup de précision et de subtilité ornementale : un monde trivial et onirique à la fois, foisonnant, plein de doubles sens et de sous-entendus, de séduction et de malice. (Louis-Julien Nicolaou)