Chant Dhrupad À Vezelay
Musique du monde
Les origines du chant dhrupad sont indissolublement historiques et mythiques. Historiques, parce la naissance du genre se laisse dater et localiser avec précision : le dhrupad est un genre poétique et musical régional qui prend son essor à la cour du roi Man Singh Tomar de Gwalior (1486-1516). Aujourd’hui encore, le dhrupad reste, par son prestige inégalé, le style musical de référence de la musique d’Inde du nord. Mythiques aussi, parce que le dhrupad est le genre le plus ancien de la musique hindoustanie – et d’ancien à immémorial, il n’y a qu’un pas que la pensée indienne franchit avec facilité. Le dhrupad serait ainsi contemporain des Védas, codes religieux et sociaux qui remontent au 15ème siècle avant Jésus-Christ. Le chant est pour Ustad H. Sayeeduddin Dagar un acte de foi – peu importe, à cet égard, que les divinités louées dans les poèmes du dhrupad, appartiennent au panthéon hindouiste alors que les Dagar sont musulmans, puisque « Dieu est un ». Le mythe dit aussi le caractère immémorial de ce chant qui ne se transmet qu’oralement, de génération en génération, de père en fils, aussi loin que la mémoire peut remonter. Sayeeduddin Dagar représente ainsi la prestigieuse 19e génération de la famille Dagar. Ce disque a été enregistré à l’occasion d’un concert qui s’est déroulé le 31 juillet 2005 dans le narthex de la basilique de Vézelay. Sayeeduddin Dagar est accompagné par le maître du tambour pakhavaj, Mohan Shyam Sharma. Les trois premiers rags sont interprétés selon une configuration classique, le chanteur face à l’auditoire. Mais peu avant la finale, alors que portes du narthex se sont ouvertes, Sayeeduddin Dagar se retourne vers le chœur et l’autel. Il chante alors dos au public, et pourtant uni à lui dans un moment de communion musicale intense et émouvante qui retrouve, le temps d’un concert, la configuration originelle et sacrée du chant dhrupad. Interrogé au terme du concert sur le nom du rag qu’il venait d’interpréter, Sayeeduddin Dagar a fait une réponse étonnante, qui témoigne de cette excursion hors du temps et de l’espace : « Je ne sais pas… »