1 Guarisce/Guérir
J’estompe tes douleurs
Avec un gant de soie
J’efface nos heurts
De ce temps qui foudroie
Je compte tes soupirs
Avec cette horloge de plomb
Je revois des souvenirs
Mais je n’entends aucun son
Moi, je vais te guérir
Avec mes mains lisses
Et je vais te conduire
Chez toi, sain et sauf
Mais pourquoi autant d’adversité ?
Le temps suspend son vol.
2 Indiferenti/Indifférents
Le cœur brisé et les mains usées
Affamé et en haillons
Comme ces fleurs à peine écloses et déjà fanées
Les faucons vont t’emporter
Indifférents à tous les prétendus drames
Les oiseaux chantent tout bas
A la tombée de la nuit
Et la terre subit ses revers
A quoi bon ? Et pourquoi ?
Si ton histoire échoue
Si la gloire est la guerre
A quoi bon ? A quel prix ?
A quoi bon ?
Dans quel but ?
La chair meurtrie et les mains liées
Seul au monde, les vêtements rapiécés
Et cet air de vanité qui change l’humanité
Ceux-là t’emporteront
Indifférents à tous les drames
En douce les hommes se trahissent
Mais aux yeux de tous se révèle
L’insolente réalité
Je suis la force je suis l’immortel
Ton histoire me comble
Si la gloire est la guerre
Mais ton histoire s’achève
Avec les lauriers de la gloire
3 Sò diventatu/Me voici
Me voici, de ma semence le grain
Récolte de mes choix, de mes abandons
L’âme mise à nu, mais que d’écueils esquivés
Devenu ce que je craignais, seul,
Mais possédant ce dont je manquais
Tout ce que je ne voulais pas
Me voici ruine du temps qui passe, résultat des ravages
Me voici accoutré
Épuisé de tourments
Je suis devenu mon produit,
Ce que j’ai vendu et ce que j’ai acheté
Solide comme un roc édifié sur des ruines
Me voici absous de mon passé
Des souvenirs perdus, défaillance de mémoire
Œuvre du bien ou du mal
Ton unique baiser, il te faudra l’inventer
Seulement pour recommencer ; Seulement pour deviner
Je suis le vent et le sel
Dans un monde imaginaire
Je serais une chimère
4 Di punta à l’abbissu/Au bord de l’abime
Dames de soleil, êtres de lumière
Mille contes à vos lèvres fleuries
Légers sont vos pas, ondoyantes flammes
Boucles ensorcelantes consumant les vies
Fées Morganes et pierres aimantées
Dames de lune, pommes de lumière ronde
Champs étoilés, éternité de l’instant
Vous qui chantez l’abime au rivage
Lueur heureuse dérobée à l’ombre
Qui moissonne sournoisement les épis pour la tombe
Pour sauver du naufrage
L’ultime vaisseau
Faites-nous un signe
Donnez-nous un rêve
De plaisir entier
De paix comblé
Débordante d’amour
La course du temps
Dames de l’onde, des eaux figées ou défaites
Courbes mouvantes au chemin tendu et tortueux
Mémoires lourdes d’espoirs donnés et repris
Rus joyeux, crues soudaines parfois
Détrempes fécondes et semences ensevelies
Dames de pierre, remparts à la folie
Tours debout sur la grève
Ultime refuge, enclos, abbaye
Face à la haine qui désormais gagne
Les temps nouveaux d’amour en pénurie
5 Schjarì u to chjassu/Eclairer ton chemin
Eclairer ton chemin
Sans pour autant tracer ta route
Se perdre au milieu de nulle part
Comme l’écume se délite
En un éclair
Les causeries réduites en cendres
Et la moindre tranche de vie évaporée
Accablés par les affres du passé
Des hommes, de grands hommes
Des femmes, de grandes femmes
Des enfants, de grands enfants
Des vieux, de très vieux hommes
Se réveillent
Déjà las
Du quotidien
La vie est semée d’embûches.
6 Ancu sfarente/Un lendemain à inventer
Vous semez autant de graines de résistances
Que de lueurs d’espoir
Qui jaillissent des mêmes sources
Toi, le corse, qui te valorise?
Qui entrave ta liberté́ ?
Nos demeures fortifiées
Telles des refuges de partage
Même nos silences
Traduisent la noblesse de nos messages
Au baisser du rideau
Une multitude d’individus à métisser
Nos peuples à déplacer
Un lendemain à inventer
Et un parcours à imaginer
Jasmins et cédratiers
Elixir de tes pensées
Engrènent tes années
Toi, la corse qui pourra t’arrêter?
Vers quoi tends-tu la main ?
Vers un avenir engagé
Pour bâtir le temple de notre paix
Nos étreintes passionnées
Lorsqu’il est temps de passer
De l’être à la postérité́
7 Felici suspesi/Bonheurs suspendus
Ma plus grande folie
Ma seule et unique
Nectar de malvoisie
Visage qui apaise
Je me suis enivré d’amour
À tes plus hautes sources
Mais l’eau des montagnes
Change de couleur dans la mer
Pour une seule nuit
Une seule et unique histoire
Une seule fois mienne
Seulement pour le parfum de ta peau
L'ardeur de ta lumière
A moi tes premières lueurs
Bonheurs suspendus
8 U tornaviaghju / Le tournemonde
Dans ces moments où tout s’arrête
Naissent nos lendemains
Sans monde, ni silence
Le tournemonde
Soucieux, arrive en ces lieux
À la lumière de ta personne
Les jours naissent de tes mains
Il n’est de destination mystérieuse pour toi
Le tournemonde
Surpris, arrive en ces lieux
La fougère qui ne dissimule rien
Tempère les étreintes des hommes
Point de chant de sirènes
Le tournemonde
En a assez entendus avant son retour en ces lieux
Sur une rive où tout s’invente
S’ouvre le jeu de tes baisers
Sur ces rives ni plantureuses ni infécondes
Le tournemonde
Curieux, arrive en ces lieux
Demain sera un nouveau départ
Vers un monde d’amour infini
Ces légendes émerveillent celui qui n’est jamais parti
Le tournemonde
Est rentré chez lui
Demain nous repartirons
Vers une monde d’amour infini
Héritage pour celui qui s’est égaré
Le tournemonde
Est rentré chez lui
9 Paghjella
Il ne reste que deux jours
Avant ton départ
Avant de sillonner les mers
Viens me toucher la main
Et puis si tu en as le courage
Tu me donneras un baiser
10 A to cullana/Ta parure
Par ses scintillements et ses brocarts
La mer m’invite à m’y plonger
Des milliers d’énigmes
Des milliers de parfums
Par ses claquements et ses douces gerbes
La mer m’invite à m’y plonger
Des milliers de secrets
Des milliers d’arcanes
Riches de nos valeurs nous nous envolerons vers un ailleurs
La mer m’invite à partir à l’aventure
À savourer des paysages, à y goûter
Des milliers de petites lumières
Des milliers de fanaux
À ta vue la mer m’invite à me noyer dans ton sillage
Des milliers de berceuses
Des milliers de palabres
Riches de nos valeurs nous nous envolerons vers un ailleurs
La mer me lance un sombre appel
La clef de l’énigme m’attire vers les profondeurs
Il n’y a que peu de contraintes
Seule ta parure à ton cou
La mer m’invite à bâtir mon avenir
À me transformer en demeure dont tu serais l’entrée
Et tous affranchis de nos liens
Il ne reste plus que ta parure à ton cou
Riches de nos valeurs nous nous envolerons vers un ailleurs
11 Stranieru da l’internu/Etranger de l’intérieur
Au départ
Pas vraiment de se faire remarquer
Pas de lignée, de langue attitrée,
On vivait léger
Personne ne se laissait enfermer
Les oisillons pris au piège étaient vite libérés
Au départ
Le but ce n’était pas vendre ou accumuler
Tout ce qu’on possédait était à partager
Personne à rassurer, ni prêt-à-penser
Ni prêt à rembourser, pas de découverts autorisés
Au départ
Qui sait si nous étions malmenés ou privilégiés
Chercher les causes ou les coupables,
Qui pourrait trancher
Même mascarade, même parade ?
A la belle saison des fleurs,
Aux premiers froids la terreur
Au départ
On n’était pas parti pour se noyer
Plusieurs chemins pour mieux se retrouver
Rien à craindre, pas même de fin à anticiper
Un seul souffle celui de l’Eau,
Sur tant de cailloux remués
Depuis le début,
La même Mer à traverser, quelque part entre le Paradis et l’Enfer
Nous voilà tous, étrangers de l’intérieur.